J’avais 14 ans à la fin des années 60. J’étais une petite fille unique, romantique, très timide, vivant dans mon imaginaire afin de m’évader de ce quotidien anxiogène qui régnait chez moi. Entre un père alcoolique et ses autres travers que je préfère ne pas raconter ici et une mère soumise dotée d’une facette de sa personnalité que je nommerais « bizarre », je trouvais refuge dans les livres que je dévorais inlassablement. Très jeune je m’étais lancée dans la lecture de la collection « j’ai lu » et je me souviens que le premier vrai roman que j’ai découvris s’intitulait «  Les filles de joie » de Guy des Cars. Je réalise maintenant que j’étais un peu jeune pour aborder ce genre de romans mais chez moi, cela ne choquait personne. D’ailleurs ni mon père ni ma mère ne s’intéressaient vraiment à ce que je lisais. Aucun des deux n’avait été à l’école très longtemps. Ma mère avait passé son enfance dans une ferme de Corrèze sans recevoir d’éducation et mon père, livré à lui-même entre deux parents divorcés qui se déchiraient, vadrouillait dans les rues de Paris, seul et sans repère. En fait, je faisais un peu ce que je voulais moi aussi. Je sortais quand je le souhaitais, la seule obligation étant de rentrer avant 21 h. A cette époque je fréquentais beaucoup le parc Monceau près duquel nous vivions. C’est en y faisant du patin à roulettes que j’avais rencontré toute une bande de copains et de copines. Il y avait de tout dans cette bande, des fils de bourgeois, des fils d’ouvriers, des filles qui avaient fugué de chez elles et qui trouvaient avec nous une sorte de foyer où se réfugier. Il y avait deux bandes dans ce parc. La bande des grands et la bande des petits dont je faisais partie avec une moyenne d’âge de 14 à 18 ans (j’étais la plus jeune de cette bande). Les grands avaient largement dépassé la vingtaine et nous les craignions parce que nous savions qu’ils « faisaient des coups ». Mais on se côtoyait amicalement sans heurt particulier, ne serait-ce ce grand qui m’avait prise en grippe et dont j’étais devenue le souffre douleur. A chaque rencontre il m’insultait et m’humiliait devant tout le monde. Comme c’était un grand, personne n’osait broncher. J’avais une peur bleue de lui et je fuyais dès que je le voyais de loin. Un jour il m’a même giflée.

Tel un bateau sans capitaine naviguant sur les océans, je naviguais moi aussi entres ces univers où il n’y avait ni repère ni structure.

Mais heureusement… j’avais la lecture. J’étais insatiable, très hétéroclite dans le choix des livres, je pouvais m’intéresser à la lecture de romans d’auteurs classiques, comme à des romans d’eau de rose, à de la science fiction, à la religion, à l’ésotérisme ou aux légendes d'ici et ailleurs.  J’étais curieuse de tout. J’aimais beaucoup les nouvelles dans les magazines que ma mère achetaient chaque semaine, « Nous-deux », « Intimité », les romans photos m’intéressaient moins, mais je les regardais quand même, chaque semaine j’achetais des magazines de bandes dessinées comme "Frimousse" », "lilly", "Akim"... Je m’étais abonnée à la revue « Unesco », pensant que ça faisait  "intelligent", mais je dois reconnaître que les articles étaient trop pointus pour moi et j’ai vite abandonné.

Parmi tous ces magazines que je recevais, il y en avait un qui publiait des articles sur la nature et dans lequel se trouvait une page de petites annonces. Les abonnés pouvaient y laisser leurs coordonnées pour être contactés par un lecteur ou un abonné et j'avais envoyé les miennes.

Un jour je reçus une lettre, d’un dénommé Philippe qui voulait me rencontrer…..

 

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