Juillet 1965

 

Son père l’a laissée seule sur le trottoir devant cet immeuble cossu du 8ème arrondissement. Il est venu seul avec elle. Thèrèse sa mère est restée chez eux, dans la loge du 17ème. Lucien lui a dit qu’ils allaient peut-être habiter dans une loge plus grande, ici, dans cet immeuble.

Juliette est assise sur le bord du trottoir et elle pleure. Il fait nuit, il est tard, et elle n’aime pas ce quartier. Il n’y a personne, les rues sont vides, aucun magasin dans cette rue, aucune vie, que de grands immeubles de pierre avec personne à l'intérieur. Mais où sont donc les habitants ? Dans l’autre loge il n’y a qu’à sortir et on voit plein de gens, il y a des lumières partout, des magasins de toutes sortes. Et il y a le marché juste à côté, une grande rue avec plein de bruit, des marchands de légumes, des crèmeries, des boulangeries. Elle aime bien s’y promener quand son père dort pendant la journée. Mais ici dans ce quartier, qu’est-ce qu’elle pourra faire ?

Elle attend très longtemps sur ce trottoir. Lucien ne s’inquiète même pas pour elle. Et elle pleure encore la tête posée sur ses bras pliés sur ses genoux..

Soudain, Lucien sort de la grande porte cochère. Il est content. Il a rencontré la présidente des copropriétaires et elle est d’accord pour qu’ils prennent la loge.

-      Ca l’a rassurée que je sois dans la police. C’est une trouillarde !  On pourra emménager dans un mois. Il faudra aussi s’occuper de ta nouvelle école.

L’autre loge n’est pas loin. A une vingtaine de minutes de marche. C’est incroyable ce que l’ambiance peut changer d’un quartier à l’autre. Elle est contente de retrouver le sien.

Dans la loge ils trouvent Thérèse déjà couchée dans le divan déplié de l’unique pièce. Une toute petite pièce, tellement petite que le placard de cuisine a dû être installé sur le mur en hauteur pour faire plus de place. Une table, une armoire et des chaises. Depuis quelques semaines ils ont une télévision d’occasion que Lucien a trouvée quelque part. Mais il faut tout le temps changer l’antenne de place et la faire tourner dans tous les sens pour que les images apparaissent. Juliette attend le dimanche après-midi avec impatience pour regarder les aventures de son héros, Thierry la Fronde. Elle est très amoureuse de lui, il est tellement beau ! Et quand elle joue à la princesse, elle se prend pour Isabelle, la fiancée de Thierry. Thèrèse lui a prêté de vieux rideaux que Juliette enroule autour de sa taille et qui traîne jusqu’aux pieds comme une vraie robe de princesse.

-      Alors, comment ça s’est passé demande Thérèse ? On est pris ?

-      Oui, j’ai vu la présidente des proprios. Tu verrais l’appartement ! J’ai jamais vu ça. Rien que l’entrée est plus grande qu’ici.

-      T’as vu la loge ?

-      Non, mais je pense que c’est plus quand qu’ici. On pourra emménager dans un mois.

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