Noëlla

 

Je ne souhaite pas tricher sur son prénom. Elle s’appelait vraiment Noëlla. Je ne sais plus comment elle est apparue. C’est certain que c’est au Parc Monceau. En dehors de chez moi c’est là que je vivais, c’est là que j’allais dès que je quittais l’école, dès que l’atmosphère de la maison devenait nauséabonde, c’est là qu’on se retrouvait tous, les copains, copains de passage ou copains qui formaient le socle de base : Jean-François, Jean-Michel, Marc, Mouloud, Marina, Fazia, Jean-Marc,  Michel, et d’autres, et d’autres…. Et… Noëlla ….

Pas besoin de lieu et d’heure de rendez-vous. N’importe quand, n’importe où,  l’un d’entre nous était là, soit sur la piste de patins à roulettes, soit près de la rotonde, ou bien dans une allée quelconque du parc. On savait se retrouver. Pas de grandes discussions, pas d’histoire sur nos vies respectives, juste être là, ensemble.

Le parc Monceau était pour moi comme un aimant, un besoin vital, je ne pouvais pas vivre sans le parc Monceau. L’idée de partir en vacances avec mes parents et d’être éloignée du parc durant quelques semaines était un véritable déchirement. Ma vie c’était le parc. Les copains, les boums improvisées dans des caves, dans les appartements bourgeois des copains dont les parents étaient partis en week-end. Une fois, une des copines avait improvisé une surprise-partie dans l’appartement voisin de ses parents dont la propriétaire avait confié les clés à ses parents pour arroser les fleurs. Un simple mur séparait l’appartement de la voisine de celui de ses parents. Nous étions une vingtaine dans ce tout petit appartement à murmurer à voix basse pour ne pas éveiller l’attention des parents qui étaient juste à côté. Ce fut une boum mémorable….

Il arrivait que j’apporte mon tourne-disques Teppaz dans le parc. Il marchait à pile, et nous écoutions les Moodies blues, les Beatles, les rolling Stones, Demis Roussos….

J’étais une jeune fille très sage, la plus jeune du groupe, timide, gauche, complexée. Tous avaient déjà eu des flirts ou des relations amoureuses que je voyais se dérouler devant moi. J’avoue que mes histoires à moi restaient dans le domaine du platonique. Très fleur bleue je vivais mes histoires de l’intérieur sans rien exprimer à l’extérieur et dieu sait si je tombais souvent amoureuse !

Et un jour, venue de nulle part, est arrivée Noëlla. Une belle fille, blonde aux yeux verts de quinze ans environ, au franc parler, pas froid aux yeux. On comprit qu’elle venait de quitter l’école parce que ça ne lui plaisait pas et qu’elle avait fugué. Noëlla était  l’opposée de ce que j’étais : elle volait pour s’habiller, dormait chez les uns et chez les autres, jurait, parlait fort et de manière vulgaire, avait quelque part en Bretagne une petite fille dont elle ne s’occupait pas. Jeune fille sage que j’étais je pense que je ne prenais pas la mesure de la vie que menait Noëlla même si je savais qu’elle faisait des « choses » avec des vieux pour avoir de l’argent.

Pourtant, malgré tout ce qui nous séparait, elle et moi sommes devenues amies.

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